Les espèces exotiques envahissantes représentent l’une des premières menaces pour la biodiversité.
Elles ont été définies en 2014 par le Règlement européen n°1143-2014, qui vise à prévenir leur introduction dans le milieu marin et, lorsqu’elles sont déjà présentes dans celui-ci, à les éradiquer.
En mer, la lutte contre les espèces exotiques, dites également espèces non indigènes (ENI), s’avère très complexe. Or le nombre d’ENI augmente et avec lui le risque qu’elles deviennent un jour des espèces envahissantes, telles que la caulerpe (ou « algue tueuse ») ou la crépidule (petit coquillage qui envahit les habitats côtiers).
Les espèces exotiques envahissantes : définition et règlementation européenne
Une espèce est dite exotique ou non indigène lorsque sa présence hors de son aire de répartition naturelle est avérée, que la nature du vecteur d’introduction soit connue ou non. Il existe plusieurs vecteurs d’introduction, essentiellement anthropiques : les organismes importés/exportés, les biosalissures des coques de navires et les eaux de ballast des navires notamment.
Une espèce exotique est dite envahissante lorsque son introduction ou sa propagation constitue une menace ou a des impacts négatifs sur la biodiversité et les services écosystémiques associés.
La Directive Cadre Stratégie pour le Milieu Marin (DCSMM), publiée en 2008, a pour objectif de maintenir ou d’atteindre le bon état écologique des mers et des océans. Elle impose aux États membres de l’Union Européenne de prévenir, suivre et lutter contre les espèces non indigènes (ENI), afin que la fréquence et la quantité de nouvelles introductions anthropiques soient réduites à un niveau minimum. L’atteinte de cet objectif dépend de trois critères :
- le nombre d’ENI nouvellement introduites dans le milieu par le biais des activités humaines
- l’abondance et la répartition spatiale des ENI établies, en particulier les espèces envahissantes qui ont un effet néfaste notable sur certains groupes d’espèces ou grands types d’habitats
- la proportion du groupe d’espèces ou l’étendue spatiale du grand type d’habitat subissant des altérations néfastes dues à la présence d’ENI
Une liste de 49 espèces exotiques envahissantes a été officialisée en 2016, puis mises à jour en 2017, conformément au Règlement européen n°1143-2014. Ces espèces ne peuvent plus être mises sur le marché, conservées, transportées, libérées dans l'environnement ou reproduites. Une seule concerne le milieu marin : le crabe rouge. Il conviendrait de mettre à jour cette liste en tenant compte de l’état des lieux 2018 du milieu marin.
Les actions mises en œuvre à l’échelle nationale
Dans le cadre du Plan d’Action pour le Milieu Marin (transposition en loi française de la DCSMM), il a été établi que le nombre d’espèces non indigènes recensées à l’échelle nationale a quasiment doublé en six ans, passant de 255 espèces en 2012 à 483 espèces en 2018. Trois mesures sont développées au niveau national afin d’agir à la source de la pression anthropique responsable de l’introduction des ENI dans les eaux marines :
- mieux connaître et mieux surveiller les ENI, afin d’améliorer leur encadrement réglementaire
- définir des bonnes pratiques de pêche afin de limiter la dissémination des ENI
- mettre en œuvre une procédure de contrôle des eaux de ballast des navires (qui seraient responsables d’au moins 40 % des introductions d’ENI)
La Convention internationale pour le contrôle et la gestion des eaux de ballast et sédiments des navires (Convention BWM) a été adoptée en 2004 afin d'établir des règles mondiales pour contrôler le transfert d'espèces potentiellement envahissantes. Ratifiée en septembre 2016, elle impose dans un premier temps aux navires de renouveler leurs eaux de ballast en haute mer. Les flottes de commerce des pays signataires devront dans un second temps être équipées de dispositifs de filtration ou de traitement chimique des eaux de ballast, et ce d’ici 2025.
Un cas concret : la caulerpe de Méditerranée
La caulerpe (caulerpa taxifolia) est une algue invasive présente en Méditerranée. C’est l’une des 100 espèces les plus envahissantes au monde, qui produit en outre une toxine dont l’ingestion par la dorade de Méditerranée perturbe l’écosystème.
En vue de contrôler et d'éradiquer cette espèce dans son enceinte, le Parc national de Port-Cros suit actuellement un protocole très structuré de gestion et de planification. La caulerpe pouvant se propager par l'intermédiaire des ancres de navires, du matériel de plongée et des filets de pêche, il applique les mesures suivantes :
- interdiction de jeter l'ancre (mesure imposée aux navires de plaisance),
- interdiction de pêcher dans les zones à haut risque,
- utilisation restreinte des bouées d'amarrage et destinées à la plongée,
- surveillance et de sensibilisation.
Des professionnels expérimentés travaillent d’autre part à leur éradication par enlèvement manuel et via des bâches plastiques opaques limitant leur photosynthèse.
Ces mesures concrètes combinées permettent de ralentir considérablement l'expansion de la caulerpe dans les limites du Parc national de Port Cros.